Protéger sa marque sur Internet
Publié le samedi 1 janvier 2011
23/06/2011 – Protéger sa marque sur Internet
le point commun entre Roland-Garros, les jeux Olympiques et le Festival de Cannes ? Ces manifestations sont des locomotives idéales pour se faire connaître sur Internet. De nombreux annonceurs profitent de la force de captation de ce genre d’événement pour propulser leurs sites en tête des moteurs de recherche.
La technique ? Améliorer leur référencement naturel, notamment par la répétition de mots-clefs dans les pages Web et les « méta-tags », ces balises non visibles insérées dans l’en-tête d’une page Web. L’autre moyen consiste à acheter des mots-clefs correspondant à des noms de marque. Ce qui revient pour les enseignes concernées à un détournement de trafic et de clientèle. Comment les titulaires de marque peuvent-ils affronter la virulence du référencement « on line » ?
1 Quand la confusion est illicite
Profiter de l’engouement créé par un Salon ou le succès d’une marque pour optimiser son positionnement sur Internet n’a rien d’illégal en soi. En revanche, le fait de détourner volontairement des visiteurs ou acheteurs potentiels expose l’annonceur à des poursuites. Ainsi, l’utilisation conjointe des mots « festival » « cannes » et « DVD » par un e-vendeur de DVD non partenaire du célèbre Festival crée une confusion illicite avec ce dernier, qui pourrait l’attaquer en concurrence déloyale ou parasitisme.
2 Contrefaçon : une voie judiciaire restreinte
Depuis quatre arrêts de la Cour de cassation du 13 juillet 2010, les titulaires de marques ne peuvent plus s’opposer à l’emploi en tant que mots-clefs de signes correspondant à leur marque et poursuivre Google en contrefaçon. « C’est un véritable coup de canif dans le droit de la propriété intellectuelle, commente l’avocate Corinne Champagner Katz. Avant ces décisions, on pouvait exiger de Google de ne pas faire apparaître le mot-clef protégé dans la liste des liens commerciaux du service Adwords de Google. » La position des magistrats français a été dictée par la Cour de justice de l’Union européenne.
Agir en contrefaçon contre l’annonceur suppose que l’activité de celui-ci relève de la même classe d’activité que celle du plaignant. Par exemple, une marque destinée à couvrir des services d’aide à la personne ne pourra pas agir en contrefaçon contre un fabricant de jouets qui a utilisé son nom comme mot-clef. Une procédure simple : il suffit de prouver que la partie adverse utilise une marque sans autorisation. « Toutefois, nuance l’avocate Blandine Poidevin, les marques déposées sont souvent descriptives – et non distinctives -car elles veulent rallier le plus grand nombre d’internautes en employant des mots de la vie de tous les jours. Une marque générique comme "chocolat" n’est pas protégeable. »
3 Agir en concurrence déloyale
L’autre solution pour se défaire de ces sangsues réside dans l’action en concurrence déloyale. Mais encore faut-il prouver une faute. Celle, notamment, qui consiste à créer des sites satellites reprenant la marque ou le nom de domaine d’une enseigne pour détourner son trafic potentiel et donc sa clientèle. La première démarche est de matérialiser les preuves par un constat d’huissier. Celui-ci remontera la filière des mots-clefs et déterminera combien de fois ils apparaissent, à quels produits ou services ils sont associés, comment ils sont présentés, etc. Il faut ensuite demander à Google de retirer le mot-clef en invoquant son usage frauduleux. S’il ne réagit pas assez vite, le poursuivant peut engager un référé d’interdiction ou assigner au fond pour solliciter des dommages et intérêts, en démontrant la confusion entre les produits du titulaire de la marque et ceux du concurrent. Sur quel critère ? « L’identité totale entre deux noms ou le lien entre les deux sociétés, précise M e Champagner Katz. La confusion, c’est ce qui fait penser à. » Le titulaire de la marque « festival » peut ainsi attaquer tous ceux qui profitent de l’attractivité de la quinzaine de Cannes pour vendre leurs produits.
Reste à évaluer le préjudice, ce qui implique de déterminer le nombre d’internautes qui ont été redirigés vers le site grâce à l’achat de la marque comme mot-clef. « Les systèmes informatiques permettent de savoir quel clic a généré telle vente et si cette vente a eu lieu grâce au mot-clef », précise l’avocate. Le montant des indemnités dépendra du nombre d’utilisations de la marque en tant que mot-clef.
LAURENCE NEUER, Les Echos