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La médiation, qu’est-ce que c’est ? – Paroles d’experts

Publié le vendredi 19 octobre 2018
Bilan du RGPD 2 ans après. La médiation, qu’est-ce que c’est ?

Paroles d’experts : Charlotte Baldassari

L’IEEPI donne la parole à ses experts, aujourd’hui Charlotte Baldassari, Avocate au Barreau de Marseille, Spécialiste en droit de la propriété intellectuelle et Médiatrice.

Elle nous propose une analyse sur :
La médiation : qu’est-ce que c’est et quel intérêt dans les litiges de propriété intellectuelle ?

 

Toutes les entreprises ont eu à connaître un jour d’une expérience malheureuse devant un tribunal. Délais de procédure rallongés, technicité de la matière aboutissant à une décision parfois aléatoire, coût non négligeable en termes d’honoraires et de frais d’expertise, ressources humaines mobilisées en interne pour suivre le dossier et retrouver des preuves, montant de dommages et intérêts alloués souvent jugés insuffisants, ces inconvénients ont amené tant le justiciable que le législateur à trouver de nouvelles alternatives au procès classique.

 

La médiation, qu’est-ce que c’est ?

Il ne faut surtout pas confondre la médiation avec le simple compromis qui aboutit à la signature d’une transaction. Le compromis formalise des concessions réciproques permettant de mettre fin à un différend né entre deux parties. Qui dit « concession », dit renoncer à une partie de ses prétentions initiales (dommages et intérêts, droit à engager un procès, etc.). Hormis l’intérêt évident d’éviter un aléa judiciaire, le compromis n’est jamais totalement satisfaisant.

La médiation est quant à elle tournée vers les besoins des parties en litige. Au lieu de se focaliser sur la problématique purement juridique (ex. « L’autre a contrefait mon produit ou ma marque »), la médiation cherche à approfondir la face immergée de l’iceberg. Difficultés relationnelles, défaut de communication entre les cocontractants, volonté de renégocier un contrat qui est aujourd’hui mal adapté à l’évolution des parties, sont autant de raisons cachées, voire inconscientes, d’engager une action judiciaire. La médiation vise à trouver des solutions répondant aux réels besoins qui ne sont pas non forcément juridiques mais qui peuvent être convergents. Par exemple, si les parties ont besoin d’être sécurisées dans leurs relations ou au contraire auraient besoin de plus de souplesse, pourquoi ne pas renégocier au cours d’un dialogue constructif le contrat qui n’est aujourd’hui plus adapté à la réalité économique ? Ou au contraire trouver de part et d’autre de nouveaux partenaires ? Autant de possibilités innovantes offertes aux parties pour leur permettre de trouver ensemble la solution à un différend, là où aucune décision purement judiciaire n’aurait été véritablement satisfaisante.

 

Quel est le cadre légal de la médiation ?

Contrairement aux idées reçues, la médiation est apparue dans notre législation il y a très longtemps sans véritablement convaincre les praticiens de son utilité.

Sans lister les textes de façon exhaustive, c’est la loi n° 95-125 du 8 février 1995 et le décret n° 96-652 du 22 juillet 1996 qui ont introduit pour la première fois la médiation judiciaire dans le Code de Procédure Civile. Son domaine était au départ cantonné à la médiation familiale.

L’ordonnance du 16 novembre 2011 a ensuite transposé en droit français la Directive européenne du 21 mai 2008 et contient certaines dispositions relatives à la médiation conventionnelle.

Plus récemment, le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 a modifié les articles 56 et 58 du Code de procédure civile pour obliger le demandeur à une action à justifier dans les assignations, requêtes et déclaration de saisine d’une juridiction les diligences entreprises pour chercher une solution amiable au différend.

Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, actuellement en discussion au Parlement, a pour objectif notamment de « simplifier la procédure civile », en développant en particulier l’information sur les modes amiables de résolution des différends.

 

Comment cela se passe-t-il concrètement ?

La médiation suppose l’intervention d’un tiers neutre, impartial et indépendant : le médiateur.

Celui-ci a été formé pour faire tourner un processus très structuré de reformulation afin de chercher les besoins et des intérêts des parties. Au Centre National des Avocats Médiateurs (CNMA), les médiateurs doivent justifier d’au moins 200 heures de formation ou d’une pratique de plus de 4 années et d’au minimum 10 médiations réalisées. Ce qui est un gage de qualité et de compétence.

Le médiateur accompagne tout au long du processus les parties, qui sont généralement assistées de leurs conseils habituels, pour trouver une solution. A cet effet, il va écouter de façon empathique leur vision personnelle du litige qui les oppose et reformuler leurs besoins de façon très précise. Une fois ces besoins trouvés et reconnus, peut s’ouvrir une phase de créativité pour rechercher la ou les solutions les plus satisfaisantes possibles.

La durée de la médiation dépend de la complexité du différend mais elle peut aboutir généralement en quelques séances plénières, soit 3-4 mois en moyenne. Le taux de réussite est très élevé (75 % en moyenne) et donc peu onéreuse. Et même si la médiation n’aboutit pas, les parties sont rassurées car elles peuvent toujours saisir le tribunal.

 

Quel est l’intérêt de la médiation plus spécifiquement dans les litiges de propriété intellectuelle ?

La médiation présente de multiples intérêts. C’est d’ailleurs ce que vient de souligner Madame Françoise Barutel Naulleau, vice-présidente à la 3ème chambre du TGI de Paris et référente « médiation » dans un article de la revue « Expertise des Systèmes d’information » (Septembre 2018 n° 438) qui constate que la culture de la médiation se développe tant chez les magistrats que chez les avocats.

Tout d’abord, sa rapidité par rapport à la procédure judiciaire dont la durée actuelle se situe entre 18 à 22 mois en moyenne en première instance sachant que plus de 50% des décisions en France durent 3 années ou moins. On voit bien que la durée de la médiation est hors de comparaison avec celle d’un procès.

Ensuite, le faible coût de la médiation par rapport aux frais, dépens et honoraires d’une procédure en contrefaçon qui sont particulièrement excessifs (huissier diligenté pour réaliser une saisie-contrefaçon ou un constat sur internet, expert informatique, expert en art, etc.) et souvent hors de portée pour les titulaires de droits de propriété intellectuelle, notamment les auteurs (artistes-peintres, sculpteurs, musiciens, écrivains, etc.) ou start-up innovantes. D’ailleurs, beaucoup de justiciables qui gagnent leur procès en contrefaçon n’arrivent pas à récupérer la totalité des sommes engagées lors de la mise en œuvre de cette procédure.

La confidentialité de la médiation par rapport au caractère publique d’une décision de justice. En effet, un litige concernant la titularité ou la validité du droit de propriété intellectuelle peut être fatal au succès et à l’exploitation d’un produit ou d’une œuvre. La réputation d’un produit est souvent primordiale et les acteurs économiques sont généralement amenés à évoluer sur un même marché si bien que l’image négative d’un procès en contrefaçon pourrait être très mal perçue par les consommateurs.

Le risque d’une annulation ou d’un refus de reconnaissance d’un droit par rapport à l’affirmation de la détention d’un droit de propriété intellectuelle. A titre d’exemple, le droit d’auteur naît à partir de la date de création de l’œuvre sans formalités de dépôt à condition d’être “originale”, c’est-à-dire qu’elle doit porter la marque de la personnalité de son auteur. Ainsi, in fine, seul le juge peut confirmer ou infirmer l’existence de ce droit prétendument existant par l’auteur. De même, la validité d’un titre de propriété (marque, brevet, dessin ou modèle) peut être remis en cause par un juge qui a le pouvoir de l’annuler s’il considère qu’il ne répond aux conditions posées par le Code de la Propriété Intellectuelle. Suivant la force ou la faiblesse d’un titre, son titulaire sécurise ses droits en choisissant la médiation plutôt que le procès.

La créativité des solutions par rapport à des règles très contraignantes du Code de la Propriété Intellectuelle. Si certaines de ces règles sont d’ordre public et donc immuables, d’autres ne le sont pas. La médiation permet d’organiser les relations entre partenaires ou entre concurrents de façon souple en tenant compte des intérêts de chacune des parties.

Autant de bonnes raisons de choisir la médiation plutôt que de se précipiter systématiquement vers la saisine du juge.

 


¹ https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/etudes/dommages-interets-dans-actions-en-contrefacon.pdf


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