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Le couteau suisse du manager PI : de la stratégie à l’opérationnel – Paroles d’experts

Publié le mardi 26 mai 2015
Le couteau suisse du manager PI : de la stratégie à l'opérationnel

Paroles d’experts : Corinne Lebuhan.

L’IEEPI donne la parole à ses experts, aujourd’hui Corinne Le Buhan, Experte en analyse et management stratégique de PI.

« Le manager PI de 1ère génération travaillait avec la R&D et les lignes de produits. Le manager PI de 2ème génération valorisait son portefeuille de PI avec l’aide des analystes de marché. Le manager PI de 3ème génération renforce le lien entre les deux univers. »

Corinne Le Buhan nous propose une boîte à outils, le couteau suisse du manager PI : de la stratégie à l’opérationnel.

 

En deux mots, la gestion PI de 3ème génération, qu’est-ce que c’est ?

Il y a 20 ans, la PI était une affaire de spécialistes, en particulier les brevets. On identifiait les inventions au R&D, un CPI les traduisait en brevets, et les brevets étaient directement au service des produits. Ils se négociaient souvent en licences exclusives, ils accompagnaient les transferts de technologie et servaient les litiges contre les concurrents directs.

Il y a 10 ans, les brevets sont arrivés dans le monde de la finance. Les investissements se sont multipliés et les brevets ont pris de la valeur intrinsèque, de plus en plus indépendamment du développement technologique sous-jacent, en particulier dans les TIC. L’agrégation de titres et leur utilisation offensive a rapporté des milliards de dollars cumulés aux acteurs, le plus souvent financiers et juridiques, qui ont établi ces nouveaux marchés. Cette financiarisation se fait directement au détriment des industriels, au point que les Etats-Unis ont dû modifier leur législation pour éviter l’emballement du système.

Aujourd’hui, le manager de PI doit positionner son portefeuille dans un paysage de brevets de plus en plus dense, alors que la valorisation de la PI prend des formes plus diversifiées. Globalement, les négociations autour des brevets se sont durcies, en particulier dans le licensing, où la valeur individuelle des brevets est de plus en plus disputée jusque dans leurs revendications, même aux Etats-Unis. Depuis deux-trois ans, les acteurs du licensing reviennent donc à la source même des portefeuilles de PI pour les optimiser le plus en amont possible, en prenant en compte les derniers changements législatifs. C’est très disruptif, car cela remet en cause une partie des anciennes pratiques, et surtout le brevet focalise l’attention beaucoup plus tôt dans le cycle de vie des innovations.

Quelles sont donc ces nouvelles pratiques ?

Le premier point essentiel est de bien comprendre la stratégie sous-jacente, qui va évidemment être très différente dans un grand groupe, dans une PME ou dans la recherche publique.

Chez les grands industriels, la stratégie de PI s’est de plus en plus défocalisée du R&D pour mieux accompagner la stratégie de fusion-acquisition. L’analyse des paysages brevets à l’aide de logiciels spécialisés prend tout son sens ici, comme les experts de L’Oréal l’enseignent à l’IEEPI depuis plusieurs années (Licensing, Patent Mapping…). L’optique est d’emblée mondiale, et les opportunités d’achats et de ventes de propriété intellectuelle se développent dans les pays émergents, notamment en Chine.

Chez les PMEs, il faut rester très pragmatique, vu le peu de moyens à disposition. Si la stratégie de la PME est de se faire racheter, il faut rendre le portefeuille de PI plus attractif que celui des concurrents, et malheureusement ce n’est pas juste une question de transfert de technologie, contrairement aux anciennes pratiques ; cela vaut la peine d’investir de façon ciblée pour améliorer sa position. Il y a quelques trucs faciles et peu coûteux à appliquer pour cela. A l’inverse, si la stratégie de la PME est de rester indépendante avec l’ambition de devenir leader de son marché, il lui faut garder le contrôle de sa PI en priorité, en cherchant l’alchimie optimale entre secret, brevet, et communication. Les pratiques de PI doivent assurer la protection des inventions, mais aussi des logiciels et savoir-faire technologiques, en particulier dans les interactions avec les clients et les fournisseurs. Attention à bien sensibiliser les équipes là-dessus, car on peut être ingénieur et… complètement ingénu sur ces questions, par manque d’expérience ! Il faut aussi rester sous le radar des trolls, qui s’attaquent de plus en plus les petits pour obtenir plus facilement des accords à l’amiable : attention à l’entrée de la PME européenne sur le marché américain…

Enfin, dans le secteur public, on observe aussi plusieurs tendances à l’optimisation des portefeuilles de brevets plus en amont dans le cycle du développement PI. Quelques exemples :

  • En Europe, différents instruments du programme de recherche Horizon2020 demandent maintenant un minimum de stratégie PI aux porteurs de projet, non seulement en visant des dépôts de brevets, mais aussi en évaluant la liberté d’exploitation en amont de la recherche.
  • En France, le modèle de Patent Factory de France Brevets vise à enrichir des portefeuilles de brevets valorisant la recherche, en amenant l’expérience de professionnels de l’industrie et du licensing dans le positionnement des brevets le plus en amont possible dans le cycle de R&D.
  •  Aux Etats-Unis, l’université de Californie et le Broad Institute de Boston (MIT, Harvard) ont commencé à batailler par toutes les procédures disponibles auprès des offices pour le contrôle des brevets fondamentaux à la technologie CRISPR, appelée à révolutionner l’ingénierie des génomes, moins de deux ans après les premières découvertes et dépôts de brevets.

On observe dans la plupart des secteurs que tout le cycle de gestion de PI s’accélère et l’optimisation des portefeuilles en amont du cycle de vie des innovations se généralise.

Quels sont les nouveaux outils à disposition dans la mise en œuvre de ces pratiques ?

On peut distinguer des outils techniques, juridiques et commerciaux. Pour en citer quelques-uns, reprenons l’exemple de la bataille des brevets CRISPR en biotechnologie :

  • Tous les moyens juridiques sont systématiquement utilisés par les offices de transfert de technologie pour optimiser le positionnement de leurs brevets pionniers face à leurs brevets concurrents dans les procédures d’examen: interférences, pétitions des inventeurs, voie rapide d’examen à l’USPTO, oppositions de tiers dans les différents offices…
  • En parallèle, certains acteurs explorent des alternatives et/ou des compléments technologiques qu’ils déposent ou acquièrent à leur tour pour positionner leur PI de façon exclusive sur certaines applications; c’est par exemple l’approche que la biotech Cellectis Plant Sciences a récemment communiquée au marché, mais aussi celle de plusieurs acteurs « silencieux » que seule une analyse fine des brevets dévoile.
  • D’autres compagnies cherchent en priorité une résolution commerciale, quitte à investir dans des accords de licences multiples alors même que le paysage brevets est encore complètement instable ; c’est par exemple l’approche de la biotech Horizon Discovery, qui a même réussi à faire s’asseoir à son conseil scientifique deux des inventeurs-chercheurs en conflit dans les batailles de brevet.

Au-delà de cet exemple, d’une manière générale, les accords de licences de PI que l’on voit aboutir actuellement s’élargissent à d’autres domaines que des brevets nus, par exemple on y associe des partenariats de R&D, des partenariats commerciaux, la création d’une joint venture, etc. En Suisse, l’arrivée de la montre connectée a un impact direct sur les stratégies des différents acteurs de l’industrie horlogère. Les premières annonces dans le marché ébauchent la diversité des réponses possibles à ce tournant commercial, et la PI y est en première ou en deuxième ligne.

Malheureusement, comme la PI n’est quasiment pas enseignée dans les MBA, c’est un domaine qui est trop souvent perçu par les dirigeants comme complexe, laissé aux spécialistes, qui ont pourtant besoin d’être directement nourris par leur vision stratégique pour bien gérer la PI à court, moyen et long terme. Car la PI n’est en général pas un but en soi; c’est avant tout un ensemble d’outils au service d’une stratégie globale. Le manager de PI qui a compris cela et qui sait s’organiser pour rendre accessibles ces outils, en les mettant en œuvre à tous les niveaux (technique, juridique, commercial), va amener énormément de valeur à sa direction générale. C’est un métier qui devient de plus en plus passionnant, mais ce n’est pas sans défis en matière d’organisation et de communication pour les spécialistes qui veulent prendre ce tournant !

 

Pour en savoir plus et aller plus loin, l’IEEPI et Corinne Le Buhan vous proposent les formations suivantes :

From IP strategy to IP operations – Organizing IP management

Mots clés :
IEEPI