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La médiation dans la résolution des conflits en propriété intellectuelle – Paroles d’experts

Publié le mardi 18 mars 2025
médiation propriété intellectuelle

médiation propriété intellectuelle

Pour aller plus loin, l’IEEPI et Isabelle Romet vous proposent la formation :


 

Paroles d’experts : Isabelle ROMET

L’IEEPI donne la parole à ses experts : Aujourd’hui, Isabelle ROMET, ancienne avocate spécialisée en propriété intellectuelle, désormais médiatrice à plein temps, nous propose une analyse sur :

Comment la médiation renouvelle-t-elle les stratégies de prévention
et de résolution des conflits en propriété intellectuelle ?

 

 

Pour commencer, en quoi consiste une médiation, en quoi diffère-t-elle d’une négociation, d’une conciliation ou d’un arbitrage ?

La médiation est définie par l’article 1530 du Code de procédure civile comme un « processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »

En d’autres termes, la médiation consiste en un processus structuré, animé par un tiers neutre, impartial et indépendant, le médiateur, qui aide les parties à dialoguer de façon aussi constructive que possible et à explorer de façon aussi créative que possible les solutions envisageables pour construire un accord qui fasse sens pour chaque partie.

Elle diffère donc de la négociation par la participation d’un tiers neutre, qui organise et anime le dialogue entre les parties ainsi que leur recherche d’une solution amiable.

La conciliation fait également intervenir un tiers, en l’occurrence un conciliateur, mais son rôle diffère de celui d’un médiateur : le médiateur accompagne les parties dans un processus où elles vont construire elles-mêmes leur solution, alors que le conciliateur va leur proposer une solution.

Un arbitrage est totalement différent puisqu’il aboutit à une décision, prise par un ou plusieurs arbitre(s), qui s’impose aux parties comme c’est également le cas d’une décision rendue par un tribunal judiciaire.

 

Quels sont les intérêts de la médiation ?

La médiation est un processus rapide (de quelques semaines à quelques mois, sauf urgence justifiant de travailler en quelques jours). Elle aide les parties à un litige à trouver une solution à leur litige et à éviter, ou écourter, un procès qui pourrait être long et onéreux. Elle leur permet de se soustraire à l’aléa judiciaire, de reprendre en mains leur situation et de construire une solution sur mesure, aussi créative que possible, pour répondre aux besoins et intérêts prioritaires de chaque partie. Elle permet aux parties de renouer, ou nouer pour la première fois, un dialogue ; elles ont ainsi une opportunité de mieux se comprendre mutuellement, notamment de mieux comprendre, d’un côté la motivation à l’origine du procès, et de l’autre côté, la démarche à l’origine des actes incriminés. Fréquemment, la médiation amène les parties à renouveler ou créer des relations d’affaires.

 

Quelle place occupe la médiation dans la résolution de litiges de propriété intellectuelle en France ?

La médiation a été introduite dans la législation française par une loi du 8 février 1995, qui vient donc de fêter ses trente ans.

Cette loi est cependant restée une belle endormie pendant longtemps. Ce processus, qualifié de mode alternatif de résolution des conflits, était peu connu et rarement utilisé en France.

C’est progressivement que des magistrats et des universitaires ont fait connaître ce processus. En 2015, Chantal Arens, alors Premier président de la cour d’appel de Paris, et le Professeur Nathalie Fricero, éclairaient la médiation d’un jour nouveau, avec un article au titre percutant «Médiation et conciliation : modes premiers de règlement des litiges » [1]. L’idée était que le procès ne devrait constituer qu’une voie de dernier recours, en cas d’échec des modes de résolution amiable des litiges. Cette évolution n’est pas propre à la France : elle est observée dans de nombreux pays et semble s’inscrire dans une transition sociétale. En France, ce changement progressif de paradigme se développe sous l’impulsion des pouvoirs publics, du législateur, des juridictions et des magistrats.

La médiation se développe également en matière de propriété intellectuelle. En 2024, une médiation a été ouverte dans environ 10% des procédures en cours devant la 3ème chambre du Tribunal Judiciaire de Paris, avec environ 150 médiations (contre environ 110 en 2023, environ 50 en 2022 et environ 20 en 2021). De nombreuse médiations sont également ouvertes au stade de la procédure d’appel. Quelques-unes ont été ouvertes au stade de la Cour de Cassation.

Progressivement, les avocats et conseils en propriété industrielle, ainsi que les entreprises, découvrent l’intérêt de cette approche. Dans un sondage réalisé en 2024 au sein de l’Association des Avocats de Propriété Industrielle (AAPI), du Groupe français de l’Association Internationale pour la Protection de la Propriété Intellectuelle (GF AIPPI) et de la Licensing Executive Society en France (LES France), 76 % des avocats ayant répondu au sondage déclaraient avoir vécu au moins une médiation pour un client en propriété intellectuelle et 58 % déclaraient avoir vécu au moins trois médiations en cette matière. Les avocats ayant l’expérience de la médiation ont répondu à 67 % que la médiation est adaptée en matière de brevet contre 21 % chez les avocats n’ayant pas l’expérience de la médiation. L’écart est du même ordre entre avocats ayant vécu une médiation et ceux qui n’en n’ont pas eu l’occasion pour les autres domaines de la propriété intellectuelle (74 % contre 36 % pour les marques, 69 % contre 29 % pour les dessins et modèles, 78 % contre 43 % pour le droit d’auteur). Ces chiffres montrent que la médiation fait très souvent ses preuves.

La médiation constitue donc une nouvelle corde à l’arc des conseils et des entreprises. Elle peut renouveler significativement le métier des conseils qui décident de s’en emparer au service de leurs clients. Elle fait tout autant évoluer le métier du juriste d’entreprise et du spécialiste interne en propriété intellectuelle. Elle change progressivement le logiciel de la résolution des conflits. Elle ne fera jamais disparaître tous les procès ; par contre, elle permettra de réserver cette voie aux situations pour lesquelles une solution rapide et équilibrée ne peut pas être trouvée.

 

La médiation est-elle destinée à se développer encore davantage en propriété intellectuelle ?

Les magistrats continuent à encourager la médiation en propriété intellectuelle.

De nouveaux centres de médiation spécialisés font leur apparition en sus du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Office Mondial de la Propriété Intellectuelle : l’Office Européen de la Propriété Intellectuelle (EUIPO) à Alicante a créé son centre de médiation fin 2023 ; le Centre de médiation et d’arbitrage de la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) devrait voir le jour fin 2025 ou début 2026.

Ce sont là autant de signes qui confirment que la médiation devrait se développer dans le futur.

La médiation dite « de projet » a également des chances de se développer en complément de la médiation de conflit : le processus de médiation peut en effet faciliter et accélérer la mise en place de partenariats en matière de propriété intellectuelle, puis fluidifier et optimiser leur fonctionnement dans le temps.

 

Quelles connaissances acquérir pour intégrer au mieux la médiation à ses stratégies de prévention et résolution des litiges ? Faut-il que chacun envisage de se former à la médiation ?

Les personnes les plus intéressées pourront décider de suivre une formation de médiateur, qui demande un investissement significatif en temps (souvent au moins 200 heures). Mais il peut être suffisant de se former à l’accompagnement de ses clients en médiation. Les principes fondamentaux de la médiation tiennent en peu de mots et sont rapidement acquis : confidentialité, liberté des parties, posture de tiers neutre, indépendant et impartial du médiateur. Le plus intéressant, et le plus complexe également, est d’apprendre à identifier les situations pour lesquelles une médiation peut être opportune, identifier le moment auquel proposer une médiation, savoir comment en parler à son client et à son « adversaire », comment choisir le médiateur, comment aider son client à se préparer et se préparer soi-même, comment réfléchir et se comporter pour faire avancer la recherche de solution.

 

[1] « Médiation et conciliation : modes premiers de règlement des litiges », Par Chantal Arens, alors Premier président de la cour d’appel de Paris, et le Professeur Nathalie Fricero, GP, 24-25 avril 2015, N° 114 à 115, p. 13

 


Pour aller plus loin, l’IEEPI et Isabelle Romet vous proposent la formation :

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