Les Bronzés font de la PI : Michel Blanc et la chanson culte du télésiège
Publié le lundi 14 octobre 2024Les Bronzés Propriété Intellectuelle
Le télésiège, le froid glacial, la solitude, et surtout… une chanson culte improvisée : Quand te reverrai-je, pays merveilleux ?
Dans Les Bronzés font du ski, cette scène emblématique reste gravée dans nos mémoires, mais peu de gens connaissent l’envers du décor juridique. Ce moment apparemment léger du cinéma français cache une histoire fascinante de droits d’auteur, d’appropriation mélodique et de contournement intelligent et légal des règles de la propriété intellectuelle.
La récente disparition de Michel Blanc nous rappelle cette histoire.
Quand la PI fait du ski
Nous sommes en 1979, sur le plateau de tournage des Bronzés font du ski.
La scène du télésiège, où Michel Blanc se retrouve coincé en plein milieu de la montagne, nécessite une chanson pour renforcer l’aspect comique de sa situation désespérée.
L’équipe pense immédiatement à Étoile des neiges, une chanson populaire en France, idéale pour accompagner ce moment.
Mais voilà, tout ne se passe pas comme prévu.
Les ayants droit d’Étoile des neiges refusent catégoriquement que leur chanson soit utilisée dans une comédie qu’ils jugent « potache ». Ils souhaitent éviter toute association entre leur œuvre et ce type d’humour.
Et en plus, les droits d’utilisation sont jugés trop élevés pour l’équipe du film.
Que faire alors ?
Une solution créative à un problème juridique
Pas question pour l’équipe du film de renoncer à l’effet comique que procurerait une chansonnette sur le télésiège.
Pierre Bachelet, compositeur de la bande-son du film, propose alors une idée astucieuse : pourquoi ne pas créer une chanson originale qui rappelle Étoile des neiges sans la copier intégralement ?
C’est ainsi que naît « Quand te reverrai-je, pays merveilleux ? ».
Les paroles et la mélodie sont modifiées juste ce qu’il faut pour éviter toute accusation de plagiat tout en conservant l’esprit léger et désespéré de la scène.
Les rimes et la mélodie sont proches de celles d’Étoile des neiges, mais habilement inversées. Cette petite modification permet à l’équipe de contourner les obligations liées aux droits d’auteur, une décision judicieuse qui a non seulement sauvé la scène, mais qui a également donné naissance à un nouveau moment culte du cinéma français.
Rendons à César…
Du reste, dans l’inconscient collectif, la plupart d’entre nous pensons que Michel Blanc chante bel et bien Étoile des neiges, transi de froid sur son télésiège. Alors, profitons-en tout de même pour rendre hommage aux créateurs originels de cette chanson célèbre dans le répertoire populaire français.
La chanson Étoile des neiges a été adaptée en 1949 par le parolier Jacques Plante, sur une mélodie d’origine suisse. La musique est en fait basée sur un air autrichien traditionnel intitulé Fliege mit mir in die Heimat, composé par Franz Winkler en 1943.
C’est cette mélodie que Jacques Plante a reprise pour en faire Étoile des neiges, qui a ensuite été popularisée en France par de nombreux interprètes, dont la plus emblématique reste Line Renaud.
D’ailleurs, à cette époque déjà, l’adaptation française de la version allemande avaient suscité quelques conflits de droits d’auteur.
Mais ceci est une autre histoire. Retournons sur notre télésiège auprès de Michel Blanc !
Quand le succès appelle les problèmes
Si l’histoire s’arrêtait là, ce ne serait qu’une anecdote amusante sur l’ingéniosité de l’équipe du film face à des contraintes juridiques. Mais le succès colossal des Bronzés font du ski a relancé l’intérêt pour cette scène culte, au point d’attirer l’attention des ayants droit d’Étoile des neiges.
Sentant le potentiel d’un litige fructueux, ces derniers ont examiné de plus près les similitudes entre les deux chansons.
Les deux images montrent ci-dessous les deux lignes mélodiques distinctes :
Ligne mélodique « Etoiles des neiges » :
Ligne mélodique « Quand te reverrai-je » :
Et bien que l’équipe ait évité le plagiat direct, les héritiers ont estimé que la chanson improvisée rappelait trop l’originale, ce qui a mené à une querelle juridique.
Les détails précis du règlement entre les parties restent flous, mais l’incident souligne les complexités de la propriété intellectuelle dans l’industrie cinématographique, où même une simple improvisation peut devenir un enjeu de droits d’auteur.
La PI au cœur de la créativité
Cette histoire anecdotique montre bien que la frontière entre hommage et plagiat peut être fine.
Heureusement, dans le cas des Bronzés, l’équipe a su jouer habilement avec les règles de la PI pour créer un moment culte et mémorable.
Alors, la prochaine fois que vous entendrez Michel Blanc entonner Quand te reverrai-je, pays merveilleux ? sur son télésiège, rappelez-vous que derrière cette scène se cache une véritable leçon de propriété intellectuelle.
Et pour ceux qui veulent protéger leurs propres créations, mieux vaut être aussi malins que les auteurs des Bronzés et bien comprendre les subtilités des droits d’auteur, des brevets et des marques !
Rédaction et Interprétation : Anne Grouselle (IEEPI)
Illustrations : Pixabay et Licence CC