Pourquoi l’OCDE s’attaque au régime fiscal français des brevets ?
Publié le lundi 20 février 2017L’OCDE souhaite que la France modifie son régime fiscal pour les brevets, un régime jugé trop avantageux. Serait-elle un paradis fiscal déguisé ?
L’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) a publié en octobre 2015 dans le cadre du programme de lutte contre l’évasion fiscale BEPS, de nouvelles règles relatives aux « Patent Box ». Ces Patent box ou « boite à brevets » en français correspondent à un régime de taxation sur les revenus issus de l’exploitation des brevets et autres titres de PI. Et la France apparaît sur ce point comme un paradis fiscal n’ayant rien à envier aux très populaires Iles caïmans ou autres Iles vierges britanniques !
En effet, en France, le régime sur les brevets permet un taux d’imposition de seulement 15% sur les revenus issus de la propriété intellectuelle, au lieu des habituels 33%. 200 à 300 entreprises seraient concernées représentant un manque à gagner pour les finances publiques allant de 250 à 850 millions d’euros selon les années. Parmi ces entreprises, on trouve notamment des géants de l’industrie pharmaceutique ou encore cosmétique.
Pascal Saint-Amans, Directeur des Politiques Fiscales à l’OCDE, en entretien pour « Les Echos », commente :
La plupart des pays ont modifié leur régime. La France est la seule, avec l’Italie, à ne pas l’avoir fait, mais l’Italie vient d’annoncer qu’elle allait s’adapter.
Il ajoute que la boite à brevet française était « dommageable » puisque que contribuant à une localisation artificielle des bénéfices en France. Ce qui a notamment conduit les partenaires de cette dernière à se pencher sur le cas de la Patent Box française.
Selon l’OCDE, il faudrait revoir les critères d’éligibilité des revenus à cette Patent Box, estimant qu’ils sont trop larges et ne sont pas conditionnés par le fait que les activités de R&D soient localisées en France.
En réponse, le Ministère de l’Économie et des Finances avance le fait que le taux de 15% conféré par ce régime particulier reste supérieur aux taux d’impôts sur les sociétés d’autres pays comme par exemple l’Irlande (12.5%) ou encore la Bulgarie (10%).
Pascal Saint-Amans explique :
Les travaux de l’OCDE portent sur les règles d’assiette, pas sur les taux. Finalement, les autres pays pointent le fait que, malgré un taux d’IS très élevé, la France peut parfois offrir des régimes très avantageux.
Du coté français, la défense est plutôt simple : une entreprise souhaitant optimiser sa fiscalité et réduire son imposition avec ses brevets n’a que peu d’intérêts à les localiser en France. D’après les chiffres publiés par Bercy, seulement 26% des brevets inventés à l’étranger seraient détenus en France, tandis que cette part dépasse les 50% en Suisse ou en Irlande en 2015 et atteint même les 90% au Luxembourg.
Le Ministère explique :
Nous défendons la notion d’imposition nominale effective, au-dessous de laquelle un régime serait effectivement considéré comme dommageable.
L’OCDE ne dispose cependant d’aucun pouvoir de sanction afin de contraindre l’Hexagone à modifier son régime. Pascal Saint-Amans souligne que l’institution internationale détient tout de même des moyens de pression :
C’est une question de légitimité pour la France qui veut être en pointe dans la lutte contre l’optimisation fiscale.
Sources : Ingrid Feuerstein pour Les Echos