Avec France Brevets, des PME pourraient toucher le gros lot
Publié le vendredi 26 juillet 2013Avec France Brevets, des PME pourraient toucher le gros lot !
Le fonds d’investissement et de valorisation des brevets n’est pas un enfant de coeur. Il passe à l’offensive pour faire payer de grands groupes internationaux, contrefacteurs de technologies brevetées par des entreprises françaises.
Tremblez, contrefacteurs. France Brevets, fonds d’investissement public né il y a deux ans, est entré en guerre. Créé pour rassembler des brevets de la recherche privée et publique pour constituer des grappes et les commercialiser sous forme de licence, il a commencé à déployer une stratégie offensive. Les « programmes de licensing » qu’il prend en charge, l’amènent à livrer bataille auprès de grands industriels internationaux, pour défendre les brevets d’entreprises françaises. A l’horizon 2020, il compte avoir en permanence une dizaine de ces programmes en cours, chacun impliquant de deux à dix acteurs hexagonaux.
Valoriser des actifs dormants
Le premier programme de licensing mis en route par France Brevets il y a quelques mois concerne la technologie » NFC « . Il va permettre à Inside Secure, spécialisée dans les puces électroniques, Orange et un grand indutriel dans le secteur des semi-conducteurs de valoriser leur portefeuille de brevets. Ce qui donne lieu à une dizaine de fronts de négociations, auprès de fabricants de téléphone notamment. L’ETI (entreprise de taille intermédiaire) aixoise, 400 salariés, pionnière sur la technologie NFC, a attendu en vain que le marché décolle, s’essoufflant financièrement à travers le développement régulier de nouvelles générations de puces. Or, les Samsung, Nokia, HTC, LG… utilisent aujourd’hui ses inventions en contrefaçon, estime-t-elle. « Nous détenons presque 300 familles de brevets autour de la technologie NFC, explique son dirigeant, Rémy de Tonnac. Nous avons décidé de faire valoir nos droits. Des accords de licence pourraient nous faire obtenir plusieurs dizaines de millions de dollars de la part de chacune de ces sociétés. Et France Brevets a les poches assez profondes pour nous permettre d’aller jusqu’au contentieux s’il le faut. » Le fonds a d’ailleurs prouvé qu’il peut mettre à exécution ses menaces, en effectuant sa première assignation début juillet 2013 en Allemagne contre une société américaine de la domotique.
» Si nous avons décidé de valoriser le portefeuille d’Inside Secure, c’est que nous sommes sûrs de notre coup, assure de son côté Jean-Charles Hourcade, directeur général de France Brevets. Nous avons retenu 20 brevets, extrêmement puissants. Les discussions progressent bien, laissant espérer un premier accord de licence d’ici fin 2013. »
Des moyens importants, une équipe de choc
Outre qu’il faudrait avoir des compétences en interne pour ce faire, peu d’entreprises ont les moyens financiers d’entamer des négociations seules. France Brevets, riche intermédiaire, a été doté de 100 millions d’euros. Etude du marché, de la technologie, reverse engineering (rétro-ingénierie), négociation avec avocats et experts, frais de justice… le fonds prend tout en charge, dès lors qu’il s’engage, et se rémunère uniquement en cas de succès.
Il mène les négociations avec son équipe de choc. Douze profils aguerris, dotés d’une longue expérience de valorisation de la propriété intellectuelle chez Thompson (devenu Technicolor), Apple, Intel, Schneider Electric… » Au départ, nous étions inconnus, reconnaît Jean-Charles Hourcade. Aujourd’hui, les fabricants de téléphone ont compris que nous ne faisions pas partie de ces opportunistes venant leur réclamer de l’argent pour des raisons farfelues à chaque sortie de nouveau modèle. Que ne nous ne sommes ni des patent trolls, ni des avocats véreux. Qu’il y a l’Etat français derrière nous. Bref, ils nous prennent au sérieux. »
Une sélection rigoureuse des dossiers à défendre
France Brevets n’a évidemment pas vocation à mener de dures négociations pour toute entreprise détentrice d’un portefeuille. D’abord parce qu’il s’est fixé des secteurs stratégiques, qui guideront ses interventions : électronique, télécoms, smart grids, batteries, Tic santé, biotechs vertes et blanches. Ensuite, parce que peu de brevets – de l’ordre de 5% – ont réellement une valeur offensive. En rencontrant une entreprise, France Brevets commence donc toujours logiquement par un examen minutieux de son portefeuille. Des experts analysent la technologie (est-elle incontournable), le brevet lui-même (il ne doit pas être susceptible d’être invalidé), et opèrent une analyse économique. » Si le marché mondial influencé par ces brevets atteint à peine dix millions de dollars par an, on referme le dossier, tranche Jean-Michel Hourcade. Nous ne nous engageons que si l’assiette licenciable est assez large pour justifier notre investissement. »
France Brevets au service de la stratégie d’entreprise
L’intérêt d’adopter ou pas une stratégie de licensing s’évalue au cas par cas. Elle dépend par exemple de l’envergure de l’entreprise. » Si elle possède déjà 30% de parts de marché, elle aura plutôt intérêt à grossir cette position déjà confortable, juge Jean-Charles Hourcade. Si revanche, la société est fable et ne possède pas de marché titanesque, elle gagnera beaucoup plus à faire du licensing. » Le fonds pourra alors prendre les droits des brevets en gestion, avec une licence exclusive de concession de licences non exclusives à des tiers.
La stratégie même de licensing se définit aussi avec le fonds: vaut-il mieux utiliser ses brevets pour faire des deals avec ses concurrents par le biais d’accords de licence croisée, licencier sa technologie à des groupes non directement concurrents pour des applications diversifiées… ? » La stratégie de brevets doit s’aligner sur celle de l’entreprise, insiste Jean-Charles Hourcade. Cela peut paraître un truisme, mais, avec des entrepreneurs qui sont rarement allés plus loin qu’une réflexion sur les dépôts de titres, il s’agit du coeur de nos discussions. »
Le patron d’Inside Secure se félicite en tout cas de sa collaboration avec France Brevets, qui relève, dit-il, d’une « approche partenariale » : « Nous avons défini ensemble des scénarii qui nous permettent de garder accès à notre propriété intellectuelle si besoin. Rien à voir avec les cabinets américains qui, tout en vous promettant de vous faire gagner de l’argent, ont tendance à vous déposséder de vos brevets ».
Sources : Par Marianne Rey pour LEntreprise.com