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Le droit de l’utilisateur légitime de corriger un logiciel : mythe ou réalité ? – Paroles d’experts

Publié le lundi 19 février 2024
Droit utilisateur légitime logiciel

Pour aller plus loin, l’IEEPI et Marie Sonnier-Poquillon vous proposent la formation suivante :


 

Paroles d’experts : Marie Sonnier-Poquillon

L’IEEPI donne la parole à ses experts, aujourd’hui Marie Sonnier-Poquillon, Avocat spécialiste en droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies.

Elle nous présente de récentes jurisprudences permettant de définir les contours des prérogatives dont dispose l’exploitant légitime d’un logiciel.
Le droit de l’utilisateur légitime de corriger un logiciel : mythe ou réalité ?

 

Quels droits pour l’utilisateur légitime d’un logiciel ?

L’utilisateur légitime d’un logiciel tire ses droits des termes de la licence qui lui a été consentie. C’est effectivement le contrat de licence qui définit la nature et l’étendue de l’autorisation d’exploiter le logiciel dont bénéficie le licencié.

A cet égard, il doit être rappelé que les contrats par lesquels sont transmis les droits d’auteur, et spécialement les contrats de licences, doivent être constatés par écrit (article L.131-2, alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle, depuis sa version issue de la loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 ).

En outre, ces contrats doivent identifier, entre autres, la nature et l’étendue des droits concédés au licencié (article L.131-3, alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle). Dans ce cadre, il est à noter que le titulaire des droits d’auteur sur un logiciel bénéficie par certains aspects de droits davantage étendus qu’un auteur « classique ». En particulier, en dehors des droits habituels de reproduction, représentation et adaptation, il détient notamment un monopole de mise sur le marché, inconnu du régime général du droit d’auteur (article L.122-6, 3° du Code de la propriété intellectuelle).

Enfin, le principe est que les contrats doivent s’interpréter de manière stricte, en faveur du titulaire des droits et au détriment de l’exploitant.

En revanche, si le licencié utilise un logiciel sans autorisation, il se rend coupable de contrefaçon. Il est désormais admis que la solution est la même en cas de dépassement des termes de la licence. En effet, après de longues hésitations, la jurisprudence considère désormais que toute exploitation en dehors des termes de l’autorisation contractuellement prévue est constitutive d’une contrefaçon (forme de responsabilité délictuelle), davantage que d’une violation du contrat (sanctionnée au titre de la responsabilité contractuelle) (Cass. civ.1ère, 5 octobre 2022, n°21-15.386).

 

L’utilisateur légitime d’un logiciel a-t-il accès aux codes sources ?

A moins qu’il y ait une stipulation spécifique dans le contrat de licence, le licencié n’a pas, en principe, de droit d’accès aux codes source du programme. Et ce, a fortiori s’il s’agit d’un programme standard (et notamment d’un progiciel) qui n’a pas été réalisé spécifiquement pour répondre aux besoins de l’utilisateur.

Les Tribunaux ont néanmoins parfois ordonné la remise des codes sources à l’utilisateur dans des situations exceptionnelles, telles par exemple la liquidation judiciaire de l’éditeur du logiciel. En effet, dans ce cas, l’éditeur n’est plus en mesure d’assurer ses obligations contractuelles, notamment au titre de la maintenance. Il arrive même – et c’est encore plus dommageable pour le licencié – que l’éditeur cesse également ses obligations de mise à disposition.

C’est notamment le cas lorsque l’éditeur fournit des clés d’utilisation provisoires, pour des durées déterminées et qu’il cesse de délivrer ces clés après la liquidation. C’est encore le cas quand l’éditeur suspend l’hébergement d’une solution en mode Saas, privant de fait les utilisateurs des accès nécessaires.

Ces hypothèses restent néanmoins relativement exceptionnelles.

 

L’utilisateur légitime d’un logiciel peut-il exiger un accès aux codes sources pour corriger le logiciel ?

L’article L.122-6-1 I du Code de la propriété intellectuelle accorde à l’utilisateur légitime d’un logiciel de le modifier le logiciel pour pouvoir le corriger si cela est nécessaire pour permettre son utilisation.

Le texte est précisément rédigé de la manière suivante :

Les actes prévus aux 1° et 2° de l’article L. 122-6 ne sont pas soumis à l’autorisation de l’auteur lorsqu’ils sont nécessaires pour permettre l’utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l’utiliser, y compris pour corriger des erreurs.

Autrement dit, même si le licencié n’est pas cessionnaire du droit d’adaptation lui permettant de modifier le logiciel, il peut néanmoins le corriger, donc le modifier, sans l’accord du titulaire des droits, pour les besoins de son utilisation telle qu’elle a été envisagée.

La difficulté pratique qui se pose cependant est que, s’il ne dispose pas des codes sources, le licencié ne peut pas exercer ce droit s’il ne dispose pas des codes sources.

Face à cette difficulté, la Cour de Justice de l’Union Européenne a levé un premier frein au bénéfice des licenciés en posant le principe selon lequel le licencié était en droit de procéder à la décompilation du logiciel – opération en principe interdite sans l’accord du titulaire des droits – pour les besoins de sa correction (CJUE, 5ème chambre, 6 octobre 2021, Top System / Etat belge, affaire C-487/19).

La Cour d’appel de Douai a franchi une étape supplémentaire en confirmant une décision ayant condamné sous astreinte un éditeur de logiciel à remettre les sources à son licencié qui souhaitait assurer lui-même la maintenance du programme (CA Douai, 1ère Chambre, 1ère Section, 7 avril 2022, n°20/01452).

Les juridictions font donc preuve de pragmatisme en donnant aux licenciés les moyens matériels techniques d’exercer leurs prérogatives.

Cette solution ne constitue cependant pas une sécurité absolue pour les utilisateurs dès lors que l’article L.122-6-1 I prévoit que :

Toutefois, l’auteur est habilité à se réserver par contrat le droit de corriger les erreurs et de déterminer les modalités particulières auxquelles seront soumis les actes prévus aux 1° et 2° de l’article L. 122-6, nécessaires pour permettre l’utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l’utiliser.

Il suffit donc au concédant de prévoir dans le contrat de licence que toute modification du logiciel, y compris pour corriger les erreurs, est interdite, ou encore de stipuler que la tierce maintenance est prohibée, pour paralyser la possibilité offerte au licencié de modifier les codes sources donc d’y accéder (soit par voie d’accès direct soit par la voie indirecte de la décompilation).

La solution la plus sécurisée qui s’offre alors au licencié est de mettre en place une convention de séquestre (appelée « escrew agreement » en anglais) aux termes de laquelle un tiers de confiance, tel l’Agence de Protection des Programmes (APP) ou un huissier de justice, est institué séquestre des codes sources et s’engage à les libérer au profit du licencié dans certaines hypothèses dans lesquelles la poursuite normale de l’exploitation du logiciel par le licencié est menacée (faillite de l’éditeur, arrêt de la maintenance, suspension du support, etc…).

 

 


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