Mot-clés liés à la formation
Durée de la formation
Lieux
Niveau de la formation
Dates de la formation souhaitées
Du au
Téléchargez
notre catalogue 2025 !
Enregistrer le PDF
Actualités
Retour à toutes les actualités

Comment Larousse a oublié la propriété intellectuelle des utilisateurs de Twitter

Publié le mardi 21 janvier 2014
© Larousse - Wikimedia

Comment Larousse a oublié la propriété intellectuelle des utilisateurs de Twitter

Un ouvrage recensant les «perles» du réseau social ? Pourquoi pas. Un problème tout de même : la plupart des messages cités l’étaient sans mention de leurs auteurs, qui n’avaient même pas été prévenus. Larousse a finalement annoncé l’arrêt de la commercialisation du livre.

Edit : Le 22 janvier, la maison d’édition a annoncé sur Twitter l’arrêt de la commercialisation de cet ouvrage !

 

 

 

L’ouvrage a pour nom « Les perles des tweets et du net ». Sous-titré «100% véridique». Edité par Larousse, il recense les meilleurs mots d’esprit tweetés. Problème, la maison d’édition a négligé de contacter les auteurs de ces 289 perles, qui sont les propriétaires de ces tweets, comme l’affirment aussi bien le droit français que les conditions d’utilisation du réseau social américain.
«Oeuvre de l’esprit»

Cette absence de précaution porte un nom judiciaire : la contrefaçon. Selon le Code de la propriété intellectuelle, «l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous».

Il existe bien un droit de courte citation, mais qui ne peut pas être appliqué lorsque l’éditeur reprend en intégralité une œuvre, en l’occurrence un tweet. Qui plus est sans source (le nom de l’auteur), puisque l’immense majorité des tweets sont présentés comme «anonymes», violant au passage le droit moral des auteurs.

Les directives relatives à la diffusion des tweets prévoient par contre leur utilisation par les médias: c’est le cas pour les articles, notamment en ligne, qui contiennent des tweets «embeddés» (comme ils sont présentés sur une timeline, avec nom de l’utilisateur et logo Twitter). Mais ces tweets ne peuvent être utilisé dans le cadre d’une publicité sans accord des auteurs. Et il faut faire une distinction, entre les tweets relayant une simple information (pas de propriété intellectuelle) et les mots d’esprits. Un recensement de mots d’esprits tweetés, sans ajout éditorial, pourrait également relever de la contrefaçon.

Les tweets, comme l’explique Maître Anne Cousin, avocate associée au cabinet Granrut, «peuvent relever de la propriété intellectuelle», pour peu que soit démontré leur caractère original (au sens où l’auteur exprime sa personnalité dans son oeuvre, de façon originale). Ce qui est précisément le cas des tweets publiés par Larousse, car c’est pour cette originalité qu’ils ont été choisis.

Licence d’utilisation sur un média ne veut pas dire propriété en général : l’AFP a été condamnée, aux Etats-Unis, le 22 novembre 2013, à l’issue d’un procès bien suivi des juristes en propriété intellectuelle.

Bernard Pivot, l’un des plus célèbres utilisateurs français de Twitter, a tiré un recueil de ses meilleurs tweets, intitulé « Les tweets sont des chats », dans lequel on retrouve, entre autres, des créations de verbes, comme «montebourger: dire le contraire de son chef». Neuf des tweets du présentateur d’Apostrophes sont récupérés dans l’ouvrage publié par Larousse, dont «Bartolir: verbe irréfléchi. Prendre sa retraite prématurément». C’est l’utilisateur nommé le plus cité, mais il n’a pas été prévenu, malgré l’utilisation de son nom. «Bernard Pivot n’est pas du tout au courant», a indiqué son assistante, Anne-Marie Bourgnon.

Parmi les «@anonyme» de Larousse également cités se glissent par ailleurs d’autres utilisateurs qui n’ont rien d’«anonyme». Comme Eric Laugérias, acteur de théâtre et de cinéma –c’est l’oncle de Bref, la série de Canal+– et coauteur des textes de Laurent Gerra et bien d’autres.

Que risque Larousse?

Difficile à savoir. Si tous les auteurs cités se mobilisent, le livre risque en théorie un retrait (qui n’arrive presque jamais) et une condamnation à des dommages et intérêts. Pour Me Cousin, hors du préjudice, qui dépend de l’analyse de la juridiction concernée (le tribunal de grande istance de Paris), la véritable question est celle de l’image montrée par Larousse pour l’occasion.

Si l’affaire est une première du genre en France, un cas similaire s’était présenté aux Etats-Unis avec la parution de Tweet Nothings. Les éditeurs n’avaient pas prévenu les utilisateurs repris, qui s’étaient insurgés face à ce vol. Ils s’étaient ensuite excusés auprès d’eux.
 

Sources : Raphaël Czarny pour Slate.fr

 

Mots clés :
IEEPI