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La protection par brevet des inventions dans le domaine de l’intelligence artificielle – Paroles d’experts

Publié le jeudi 3 février 2022
La protection par brevet des inventions dans le domaine de l’intelligence artificielle

Pour aller plus loin, l’IEEPI et Mathias Robert vous propose la formation suivante :


 

Paroles d’experts : Mathias Robert.

L’IEEPI donne la parole à ses experts, aujourd’hui Mathias Robert, CPI et mandataire en brevets européens

Il nous propose une analyse sur :
La protection par brevet des inventions dans le domaine de l’intelligence artificielle

 

Nous entendons souvent parler d’Intelligence Artificielle, de Machine Learning, de Deep Learning. Quelle est la différence et de quoi s’agit-il ?

L’intelligence artificielle est née dans les années 1950, notamment avec la parution d’un article fondateur d’Alan Turing intitulé « Computing machinery and intelligence ». L’intelligence artificielle peut être définie comme un ensemble de techniques permettant à des machines d’accomplir des tâches et de résoudre des problèmes normalement réservés aux humains et à certains animaux.

Des logiciels appelés systèmes experts ont été développés, à partir de 1965, de façon à reproduire les mécanismes de décision d’un expert, sur la base de faits et de règles prédéfinies. A partir des années 1980, l’apprentissage automatique ou « machine learning » a vu le jour avec pour objectif de permettre à une machine d’apprendre à réaliser des tâches, à partir de données, sans que la machine ne soit explicitement programmée pour chacune de ces tâches. L’essor de l’apprentissage automatique a été favorisé par la disponibilité des données en grande quantité, par l’usage d’algorithmes mathématiques et par l’accès à des puissances de calcul toujours plus importantes.

Plusieurs techniques ont ainsi vu le jour, ces techniques pouvant être classées en deux grandes catégories : l’apprentissage supervisé et l’apprentissage non supervisé. L’apprentissage supervisé a pour objectif d’apprendre une fonction de prédiction, c’est-à-dire d’entraîner un modèle, à partir d’exemples annotés, au contraire de l’apprentissage non supervisé qui se base sur des données non annotées.

L’apprentissage supervisé permet par exemple d’apprendre à reconnaître des images d’un d’objet à partir de plusieurs images annotées, c’est-à-dire pour lesquelles l’objet représenté sur chacune de ces images est identifié.

Parmi les techniques de machine learning les plus récentes, les réseaux de neurones et en particulier les réseaux de neurones profonds, se sont révélés particulièrement efficaces, pour autant que l’on dispose de suffisamment de données et de puissance de calcul pour pouvoir les entraîner.

L’utilisation de réseaux de neurones profonds pour réaliser des tâches d’apprentissage est appelée apprentissage profond ou « deep learning ».

Différents types de réseaux de neurones ont été développés depuis les années 2010. Parmi les plus connus, nous citerons :

  • les réseaux de neurones convolutifs ou CNN, utilisés en particulier dans le traitement des images,
  • les réseaux de neurones récurrents ou RNN, utilisés en particulier dans le traitement du langage naturel, par exemple pour la traduction,
  • les réseaux antagonistes génératifs, qui permettent notamment de générer des images avec un degré de réalisme important,
  • les réseaux « transformers », capables de générer automatiquement du texte, des traductions, voire même du code informatique.

 

Les inventions liées à l’intelligence artificielle ne sont-elles pas des méthodes mathématiques, difficilement protégeables par brevet, en particulier en Europe ?

 L’article 52 de la Convention sur le Brevet Européen (CBE) exclut, en tant que telles, les méthodes mathématiques des inventions brevetables. Néanmoins, comme cela est rappelé dans les Directives relatives à l’examen pratiqué à l’Office Européen des Brevets (OEB), cette exclusion s’applique uniquement lorsqu’une revendication porte sur une méthode mathématique purement abstraite et ne fait intervenir aucun moyen technique. A contrario, l’utilisation d’algorithmes d’intelligence artificielle n’est pas exclue de la brevetabilité dès lors qu’ils contribuent à produire un « effet technique ».

Il est ainsi possible de protéger l’utilisation d’un algorithme d’intelligence artificielle dans une application particulière, comme :

  • le traitement automatique d’images en vue de reconnaître des objets dans un but technique spécifique, par exemple de surveillance ou autre,
  • la maintenance prédictive d’un appareil,
  • ou encore l’optimisation de ressources informatiques ou matérielles, etc.

Il peut également être possible de protéger certaines des briques technologiques au cœur de l’intelligence artificielle, indépendamment de toute application, si l’on démontre l’obtention d’un effet technique. Ces briques peuvent concerner un procédé spécifique d’entrainement d’un modèle, une structure particulière d’un réseau de neurones permettant de favoriser le calcul parallélisé, etc.

Les Directives soulignent cependant que la classification « abstraite », i.e. qui ne viserait pas un but technique, n’est pas brevetable, même si l’algorithme de classification a de meilleures propriétés mathématiques, comme par exemple la robustesse.

Il est également à noter que la classification de documents textuels sur la seule base de leur contenu textuel ne peut pas être considérée comme ayant une finalité technique, mais une finalité linguistique (T 1358/09).

 

Cela signifie-t-il qu’en Europe, l’application de tels algorithmes de machine learning pour le traitement d’images, de sons ou de signaux issus de capteurs, par exemple, est plus facilement brevetable que l’application de ces algorithmes au traitement de données textuelles ?

C’est exact. Et c’est également le cas lorsque ces algorithmes sont appliqués au traitement de données financières ou de données relatives aux habitudes d’un consommateur, par exemple.

Il convient en général d’identifier la finalité première du traitement et déterminer si elle tombe dans l’une des catégories énoncées à l’Article 52(2) CBE et réputées « non techniques » à l’OEB (simple méthode dans le domaine des activités économiques, ou encore présentation d’informations s’agissant d’un traitement de texte). Par exemple, une méthode pour passer un ordre en Bourse selon la valeur du cours d’une action pourrait ne pas être brevetable, alors qu’un procédé décrit par un algorithme informatique et qui permettrait d’accélérer un traitement de données pour passer un ordre plus rapidement que dans l’état de la technique, pourrait quant à lui être brevetable. Ici, la vitesse d’exécution du hardware, judicieusement programmé, pourrait être un avantage dans d’autres techniques nécessitant un traitement rapide de données. On peut donc corréler dans une certaine mesure la « finalité première » de l’invention avec l’« effet technique » résultant de la mise en œuvre de cette invention.

La décision T 0022/12 notamment vient confirmer la décision T 1358/09 citée précédemment. Dans le cas de la décision T 0022/12, un algorithme de type Machine à Vecteurs de Support (un algorithme de classification) est utilisé pour la classification d’emails, par exemple pour détecter des spams. Là encore, il a été considéré qu’une revendication reposant sur l’utilisation d’une méthode mathématique pour analyser le contenu de messages électroniques n’est pas brevetable, puisqu’une telle méthode n’est pas considérée comme technique.

Il convient alors d’avoir à l’esprit ce type d’exclusions dans la présentation-même de l’invention et de ses effets techniques au moment de la préparation de la demande de brevet à déposer notamment à l’OEB.

Une telle différence de traitement peut parfois être difficile à percevoir pour un inventeur puisque, les mots comme les images, ne sont pas utilisés en tant que tels par l’algorithme de machine learning. En effet, les images sont généralement transformées en matrices de nombres avant de subir des opérations de convolution notamment afin d’en extraire des caractéristiques. De même, les différents mots d’un texte sont classiquement transformés en vecteurs à l’aide d’une opération de plongement lexical, avant d’être utilisés par un algorithme de machine learning.

Dans l’analyse du critère de caractère technique, il convient donc de s’attacher en priorité à la finalité ou au but de l’algorithme, plus qu’à la manière dont sont effectivement traitées les différentes données d’entrée du modèle.

 

Doit-on s’attendre à des évolutions dans la manière dont est appréciée la brevetabilité des inventions dans le domaine de l’intelligence artificielle ?

Il convient tout d’abord de rappeler que l’augmentation des dépôts de demandes de brevets dans le domaine de l’intelligence artificielle, si elle est importante, n’en est pas moins très récente. L’OEB comme l’INPI ont choisi d’intégrer certains points spécifiques à l’Intelligence Artificielle dans leur Directives il y a peu de temps. Des changements récents sont également apparus dans les Directives de l’USPTO afin de définir le test Alice/Mayo, qui vise à déterminer si une revendication concerne ou non un objet (notamment une idée abstraite telle qu’un concept mathématique) exclu du champ de la brevetabilité.

Les critères de brevetabilité, s’ils n’évoluent pas de manière drastique, prennent cependant en compte le développement de l’intelligence artificielle.

En Europe, la Grande Chambre de Recours de l’OEB a récemment rendu sa décision dans le cadre de l’affaire G 1/19. Il s’agit de la seconde décision de la Grande Chambre de Recours concernant les inventions mises en œuvre par ordinateur, après la décision G 3/08. Les questions posées à la Grande Chambre de Recours concernent plus particulièrement les méthodes de simulation mais les réponses à ces questions auront également un impact sur la brevetabilité des inventions liées à l’intelligence artificielle. Nous attendons maintenant de voir la manière dont les réponses apportées vont être appliqués.

Les algorithmes d’intelligence artificielle continueront par ailleurs également d’évoluer, notamment dans le domaine de l’apprentissage non supervisé ou semi-supervisé par exemple, et la jurisprudence devra probablement tenir compte des futurs usages de ces nouveaux algorithmes.

 

 


Pour aller plus loin, l’IEEPI et Mathias Robert vous propose la formation suivante :

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