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Développement logiciel et impact sur la gestion de la propriété intellectuelle – Paroles d’experts

Publié le lundi 8 février 2021
Développement logiciel et impact sur la gestion de la propriété intellectuelle

Pour aller plus loin, l’IEEPI et Sébastien Campion vous proposent les formations suivantes :


 

Paroles d’experts : Sébastien Campion

L’IEEPI donne la parole à ses experts, aujourd’hui Sébastien Campion, IT Consultant.

Il nous propose une analyse sur :
Développement logiciel et impact sur la gestion de la propriété intellectuelle

 

En quoi le développement logiciel dans le domaine de l’innovation impacte-il la gestion de la propriété intellectuelle ?

Il faut reconnaitre que dans le contexte du développement logiciel lié à une innovation, la principale préoccupation des développeurs est la mise en œuvre de cette nouvelle idée. Cette implémentation rencontre de facto de nouvelles problématiques à résoudre et complexifie la tâche du programmeur. Celui-ci sera d’avantage focalisé sur la réutilisation de composants tiers et leur intégration, avec comme finalité la réalisation du produit, que sur les problématiques de PI. La croissance exponentielle de code open source mis en ligne sur des plateformes comme GitHub renforce cette pratique.

A contrario, pour un logiciel bien établi et maintenu depuis plusieurs années, on sera beaucoup plus vigilant. Le propriétaire va veiller à ne pas introduire de couplage fort avec de nouveaux composants, tout d’abord par souci de maintenabilité mais également pour conserver l’intégrité patrimoniale du code.

De la phase d’incubation d’une idée, en passant par son prototypage jusqu’à son industrialisation, le logiciel va fortement évoluer aux grés de ses contraintes environnementales et l’on peut significativement voir l’impact de ses évolutions sur la propriété intellectuelle.

 

Comment concilier les contraintes de la PI et le développement ?

Par la formation tout d’abord: je sensibilise chaque année des étudiants en Master 2 Recherche au développement logiciel au sein de la recherche ainsi que des professionnels dans le cadre du cycle de formation IEEPI « PI et licensing des logiciels ».

Ces étudiants vont devoir écrire du code source pour valider leurs hypothèses de travail. Ils seront probablement également amenés à réutiliser un code existant, à publier les modifications ou un nouveau programme. C’est d’ailleurs du contexte académique que sont issues les licences open source pour permettre l’évaluation des travaux par les pairs. Cette sensibilisation est donc très utile car elle intervient avant que n’apparaissent les problématiques de PI en précisant les droits et les devoirs qui incombent aux contributeurs de logiciel open source.

Ensuite, les contraintes variant dans le cycle de maturation du logiciel, il convient de s’adapter à celui-ci pour permettre d’être efficient dans la recherche et l’innovation. Trop de contraintes prématurées ralentissent le prototypage et la validation des hypothèses. A l’inverse, une négligence n’est pas acceptable. L’enjeu est donc selon moi dans le dialogue entre les auteurs et les acteurs de la propriété intellectuelle, même si ce n’est pas simple du fait de l’herméticité et de la complexité de chacun des domaines. Néanmoins ce travail est nécessaire pour obtenir une bonne productivité et respecter les bonnes pratiques.

 

Existe-il des outils pour analyser la corrélation entres les licences, les brevets et le code ?

Partiellement pour la gestion des licences. Des outils comme fossology¹, protex² ou scancode³ permettent d’analyser les composants tiers ou les entêtes  de fichier pour identifier les incompatibilités de licences par exemple. Ils sont donc utiles dans une première phase pour identifier les problèmes les plus visibles mais ne sont pas suffisants.

En effet, le dialogue et l’interaction avec les concepteurs est le moyen le plus sûr  d’identifier les couplages ou intégrations tiers susceptibles de menacer l’intégrité patrimoniale et donc le licensing de votre logiciel. S’ensuit un  travail plus ou moins laborieux « d’archéologie » des différents codes identifiés afin d’en valider la compatibilité.

Concernant les brevets, c’est un autre point plus délicat et indépendant du code. Il faut en effet s’abstraire de l’implémentation et chercher l’antériorité de l’innovation ou l’algorithme  dans la base de brevet. Cette pratique est plus ou moins bien établie suivant que l’on soit dans un milieu industriel ou académique, même si en faire l’impasse me semble excessivement/effectivement risqué.

 

Quelles sont selon vous les évolutions qui impacteront la pratique du développement et par conséquent le licensing et la PI dans le futur ?

Il y a deux facteurs remarquables ces dernières années dans l’environnement du logiciel.

Le premier est l’interconnexion des machines. On matérialise très bien cette évolution, depuis les débuts du logiciel dans les années 1970 ou les machines étaient isolées dans des bâtiments jusqu’a aujourd’hui ou sur notre bureau, notre téléphone fixe est connecté en IP, notre ordinateur portable en WIFI et notre mobile en 4G. Cette interconnexion impact également le logiciel qui dépend de plus en plus de services en ligne et devient lui-même un service en ligne. L’apparition de la licence libre Affero GPL reflète bien cette évolution. Pour prendre un exemple, les développeurs peuvent désormais externaliser la gestion des logs. Au lieu d’enregistrer les évènements du logiciel dans un fichier ceux-ci sont envoyés sur une plateforme dédiée.

Le second facteur est selon moi du coté de la donnée. Les capacités de stockage et l’interconnexion des ordinateurs permettent aujourd’hui d’agréger de large volume de données. Celles-ci combinées aux infrastructures des calculs massivement parallèle (GPU) produites initialement pour l’univers du jeu vidéo, ont fait ré-émerger la thématique de l’apprentissage automatique. Une anecdote pour illustrer la conséquence sur la diffusion logicielle concerne le système de traduction de Google. Il est considéré comme l’un des meilleurs au monde et pourtant l’état de l’art est le même que chez ses concurrents. Ce qui fait la différence de qualité, c’est qu’il a simplement plus de données pour s’entrainer. S’ensuit une autre question juridique sur l’utilisation des données…

¹ https://www.fossology.org/
² https://www.blackducksoftware.com/products/protex
³ https://github.com/nexB/scancode-toolkit/
https://airbrake.io/

 


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